PEINTURE - Les théories des peintres

PEINTURE - Les théories des peintres
PEINTURE - Les théories des peintres

Traditionnellement le plus souvent, par parti pris parfois, les peintres ne sont pas portés à faire la théorie de leur art. L’esprit systématique et critique que toute théorisation exige les en éloigne. Aussi, quand ils élaborent une théorie de leur création, ce dessein répond-il à quelque nécessité. La théorie des peintres a une fonction à remplir, elle répond à des besoins. Cette fonction, ces besoins peuvent varier; ils ont changé à travers le temps: ils vont de l’enseignement purement technique, artisanal, aux manifestes «philosophico-politico-esthétiques ». Les théories des peintres n’en révèlent pas moins l’activité créatrice elle-même, qui n’est pas théorique et conceptuelle, mais figurative et symbolique. L’étude historique de l’art y trouve donc un outil indispensable pour sa compréhension de la peinture. On laissera de côté les théories picturales élaborées par les philosophes ou les historiens de l’art.

1. Les fonctions des théories

La fonction première des théories des peintres, celle qui se maintient des origines à l’époque moderne, est une fonction d’enseignement. Par théorie, on entend un système organisé et cohérent de concepts qui rendent compte d’une activité ou d’un ensemble de phénomènes. Or, la plupart du temps, les peintres se contentent d’écrire leurs idées de façon éparse, sous forme de notes, de cahiers, de lettres ou de journaux. La rigueur systématique n’apparaît chez eux que lorsqu’ils veulent enseigner les moyens ou les fins de leur art. Ainsi, le développement de la théorie picturale au XVIe siècle est lié à celui des académies qui se créent alors et qui tendent à remplacer les guildes trop artisanales. De même, si le XVIIIe siècle français offre une très grande richesse de textes théoriques écrits par des peintres, c’est parce que le système pédagogique de l’Académie royale de peinture et de sculpture comprenait les fameuses «conférences», occasions d’un enseignement théorique mis en forme. Cette fonction didactique reste toujours présente: que l’on pense seulement à l’essor nouveau de la théorie des peintres au début du XXe siècle et au rôle qu’y ont joué les «cours» de Klee et de Kandinsky à l’intérieur du Bauhaus, véritable académie de l’art contemporain.

Il faut entendre cependant cette fonction pédagogique dans un sens plus large. Les peintres ont aussi dégagé la théorie de leur activité sous forme de manifestes, surtout à partir de la fin du XIXe siècle. Le foisonnement de brochures, d’essais, de manifestes commence avec D’Eugène Delacroix au néo-impressionnisme de Signac en 1899; il éclate entre 1910 et 1920: Manifeste des peintres futuristes de Boccioni (1910), Du cubisme de Gleizes et Metzinger (1912), Du spirituel dans l’art de Kandinsky (1912), De Stijl , périodique de Mondrian, Van Doesburg et Van der Leck (1917), Dada de Tzara (1917), etc. Un tel besoin de théorisation vient de ce que ces peintres doivent défendre et justifier leur peinture; il s’agit pour eux d’enseigner encore, mais cette fois au public tout entier, les motivations profondes d’un art apparemment «absurde». Cette activité théorique consomme la rupture entre l’art nouveau et l’art reconnu, au moment où l’impressionnisme est devenu presque officiel et où le Bauhaus n’existe pas encore, pour permettre le discours serein de l’enseignement moderne.

À travers toutes ses transformations, un point reste constant dans cette volonté pédagogique des peintres; il définit même la théorie picturale du peintre par rapport à celle du profane; le peintre part toujours de la technique de son art, de Cennino Cennini à Klee. Mais la façon d’envisager cette technique évolue, et elle permet ainsi de déterminer les besoins divers auxquels ont répondu les théories des peintres à travers l’histoire.

Au départ, les traités théoriques sont des traités techniques: Cennini enseigne la pratique matérielle de la peinture. Aux XVe et XVIe siècles, le but poursuivi a peu à peu évolué: l’enseignement se propose de définir une esthétique et, dans l’économie des traités, les techniques deviennent un moyen. Léonard de Vinci les enseigne à partir du principe fondamental de la peinture conçue comme «connaissance démontrée». Le rapport de la théorie et de la technique change; ainsi, les traités de perspective du XVe siècle, apparemment très techniques, sont en fait une tentative d’organisation, de mise en forme «esthético-scientifique» des recettes d’atelier grâce auxquelles, empiriquement, se construisait l’espace pictural. Ces traités n’ont pas influencé directement la pratique, mais ils désignent une transformation profonde de l’état d’esprit; une fois conquise, la perspective devient un instrument dont l’utilisation de plus en plus raffinée a transformé les conditions mêmes de la peinture, en permettant une nouvelle organisation narrative de la surface, essentielle à la naissance de la peinture d’histoire.

Chez Vasari, l’enseignement technique est conçu conjointement à une vision historique de l’art, ordonnée en fonction de la maniera grande du temps qui détermine seule, en dernière analyse, la qualité technique prétendue du buon fresco . Avec les traités postérieurs, qui élaborent la théorie «humaniste» des peintres, l’accent change encore: passent au premier plan les techniques de l’imitation, de l’invention, de l’expression, du décorum. Tous les textes qui abondent aux XVIe et XVIIe siècles et qui mettent en avant à la fois la théorie de l’imitation et celle de l’imagination du peintre ne sont compréhensibles qu’à partir de l’Idea – l’Idée ou forme exemplaire qui finalise l’imitation picturale de la nature. Les peintres se sont en effet servis pendant plus de deux siècles de cette notion centrale qui leur permettait de penser le rapport délicat entre l’art, le réel et la beauté. Selon la doctrine antique, la Beauté est atteinte grâce à un choix et à une synthèse opérés par l’artiste entre les beautés éparses dans la nature; la Renaissance donne une forme spiritualisée à cette doctrine «naturaliste»: l’Idée, vision intérieure, combine les expériences particulières. L’Idée est ici proche de l’Idéal; c’est en elle que la notion de «génie», doué d’une faculté supérieure de vision, entre en relation avec celle des lois, suprasubjectives et supra-objectives, qui orientent cette vision. Par la suite, le rôle du «génie» est appelé à s’agrandir aux dépens des lois, altérées en «règles». Les théories maniéristes, qui coïncident pourtant avec la diffusion des académies, se caractérisent en effet par une réticence à l’égard des règles, par le culte de l’invention personnelle, du «génie» qui doit développer sa «manière» propre. L’Idée subjective est ici l’essentiel. Mais, articulation essentielle, cette Idée n’est pas d’ordre psychologique. La question se pose dès lors de savoir comment une telle notion est possible. Par-delà la pratique, les peintres s’interrogent sur la légitimité théorique de la création aristotélicienne chez F. Zuccari, néo-platonicienne chez G. Lomazzo. Avec G. Bellori, le classicisme fait la synthèse: l’artiste porte en lui une Idée de la Beauté parfaite, mais cette Idée naît de la perception, réserve faite que cette perception soit purifiée dans l’Idée. L’Idée devient la «Nature purifiée», le «Beau idéal»: l’imitation est celle de la «Belle Nature».

Ces théories forgent un peintre savant, comparable non plus à l’ingénieur ou au savant de la Renaissance, mais au doctus poeta de l’Antiquité. L’Ut pictura poesis d’Horace, transformé en Ut poesis pictura , anime cet enseignement où la technique picturale devient, paradoxalement à nos yeux, le moyen permettant à la peinture d’être une autre forme de littérature.

La dernière phase de l’évolution se produit quand les peintres aboutissent à une conception spécifiquement picturale de leur art, c’est-à-dire quand leurs doctrines deviennent théories de la technique picturale en tant que fabrication spécifique d’un sens.

2. L’élaboration d’une théorie spécifiquement picturale

Cette évolution capitale ne se fait pas simplement. Elle apparaît au XVIIIe siècle quand des profanes – et non des peintres – remettent en cause le dogme Ut pictura poesis . Des Réflexions critiques de l’abbé Dubos au Laocoon de Lessing, on voit se développer tout un courant de pensée qui définit l’art non plus comme imitation mais comme expression. Ces théoriciens sont conduits alors à délimiter le domaine, les modalités et les possibilités expressives de chaque forme d’art: la théorie de la peinture est prête à devenir autonome. Mais les peintres d’alors refusent cette transformation: elle risque de ruiner l’effort mené depuis deux siècles pour assurer à la peinture un statut intellectuel comparable à celui de la poésie, au peintre une considération sociale égale à celle du poète. À ces raisons d’ordre sociologique s’ajoutent des motivations esthétiques et psychologiques: l’appel à la noblesse des «grands genres», l’accent mis sur la supériorité de l’«idéal» par rapport au «faire», le goût naissant de l’émotion «sublime», manifestent à quelle impasse est parvenu l’art endiablé et décoratif du rococo, incapable désormais de répondre à l’exigence généralisée de sérieux. Bref, socialement, psychologiquement et philosophiquement, les peintres ne peuvent que prôner de plus belle la doctrine Ut pictura poesis et refuser une théorie spécifiquement picturale qui, à leurs yeux, les abaisse à tous points de vue au rang de «techniciens». Ils n’abandonneront cette attitude que le jour où le souci de respectabilité sociale sera passé au second plan, libérant ainsi leurs conceptions esthétiques. Cette mutation est liée à la rupture entre l’art créateur et l’art «académique». Mais, au XVIIIe siècle, malgré le raidissement indiqué, il n’y a jamais d’antagonisme entre un art créateur et un art académique. Au contraire: le néo-classicisme, né dans les milieux de l’Académie, redonnant vie à l’Ut pictura poesis , répond à une demande générale, il est tenu pour novateur. L’Académie royale garde tout son prestige, elle reste lieu où s’élaborent conjointement l’art «moderne» et sa théorie. Le cas de Chardin est à cet égard très révélateur: il fait de la nature morte et du genre le plus «bas» le but philosophique de la création picturale; comme l’écrit Diderot, le «sublime de son technique» garantit la profondeur de son «idéal». Mais Chardin n’entrevoit pas pour autant une théorie spécifiquement picturale; reprenant à son compte les idées du temps, il ne peut s’empêcher de penser en termes traditionnels; il regrette de ne pas être «peintre d’histoire».

C’est avec le romantisme et les scandales successifs des Salons de Delacroix que la rupture s’installe. Malgré son respect pour les maîtres du passé, bien qu’il soit peut-être le dernier des grands maîtres classiques, Delacroix oppose, dans sa vie même, le modernisme à l’académisme. Mais il n’y a pas chez lui d’effort théorique qui suive l’effort créateur: malgré sa richesse et sa pénétration, il manque au Journal de Delacroix la rigueur systématique qui en ferait une théorie au sens plein du terme. C’est seulement à la fin du XIXe siècle que naît cette théorie de la peinture «moderne», opposée à l’«académisme»: De Delacroix au néo-impressionnisme , le titre même de l’ouvrage de Signac, révèle bien ce passage de l’œuvre révolutionnaire d’un artiste à la formalisation théorique d’une école; et le divisionnisme, peinture «pure», peut presque être tenu pour une «peinture théorique». La floraison des mouvements en «isme» marque la prise de conscience d’une problématique spécifiquement picturale: la peinture veut se penser tout en se faisant. Les peintres en arrivent à ne plus considérer l’œuvre d’après leur personnalité originale, mais d’après l’originalité de leur théorie: c’est le triomphe du groupe, réuni pour mener à bien la révolution picturale et théorique. La multiplication des théories du début du XXe siècle est ainsi organiquement liée au bouleversement effectif de la peinture. Les peintres remettent en cause les modes représentatifs sans avoir à leur disposition une théorie reconnue d’un art non représentatif, une théorie spécifiquement picturale de leur propre peinture, qui poserait conceptuellement le nouveau rapport de la signification et de la technique, qui montrerait comment la technique fabrique le sens, comment le «faire» fonde la signification.

La théorie se fait donc sous forme de manifestes militants qui vont à la bataille en ordre dispersé, jusqu’au jour où s’instaure une structure d’accueil qui permet à l’enseignement de se présenter comme tel. Sans qu’on puisse y enfermer l’ensemble des mouvements picturaux, il n’en reste pas moins que le Bauhaus, par son caractère institutionnel, constitue un phénomène capital: véritable école, comparable aux Académies du XVIe siècle, il dispense un enseignement pratique et théorique, destiné à rendre compte systématiquement de toute l’activité artistique contemporaine; il vient prolonger et couronner l’effort conceptuel du début du XXe siècle.

Les peintres dégagent désormais la spécificité du domaine pictural. On peut citer les textes où Klee propose une théorie de la technique comme théorie des signes picturaux et réciproquement: «L’art ne reproduit pas le visible; il rend visible [...] Les éléments spécifiques de l’art graphique sont des points et des énergies linéaires, planes et spatiales [...] La genèse comme mouvement formel constitue l’essentiel de l’œuvre [...] La formation détermine la forme et prime en conséquence celle-ci.» Le «faire» est donc essentiel à l’œuvre, il en est l’«idée»; la hiérarchie traditionnelle est renversée; «La forme est fin, mort. La formation est vie [...] Songer donc moins à la forme («nature morte») qu’à la formation. Se tenir énergiquement au chemin, se rapporter sans discontinuer au jaillissement idéel primordial.» Il s’ensuit une conséquence capitale: un «sens» spécifiquement pictural qui se caractérise par la multiplicité des «significations» de l’œuvre achevée. «L’œuvre plastique présente pour le profane l’inconvénient de ne savoir où commencer (la lecture), mais, pour l’amateur averti, l’avantage de pouvoir abondamment varier l’ordre de lecture et de prendre ainsi conscience de la multiplicité de ses significations [...] L’œil suit les chemins qui lui ont été ménagés dans l’œuvre.»

3. Théorie des peintres et analyse des œuvres

Les théories de Klee ont eu un intérêt considérable, non seulement pour les artistes, mais aussi pour le spectateur et l’historien lui-même. En posant de façon nouvelle le rapport des moyens techniques et du sens, elles montrent que le point, la ligne, la touche, les tons, la composition sont les véritables signes du peintre. En faisant la théorie de ces signes picturaux, Klee évite à l’historien d’assimiler purement et simplement le procès du sens dans la peinture à celui de la signification dans la littérature. Il l’oblige à toujours revenir à la spécificité de la «pensée figurative», à respecter l’originalité du domaine pictural, irréductible au domaine littéraire ou conceptuel, malgré les rapports qu’ils entretiennent.

Il faut se garder d’en conclure que seules les théories modernes, spécifiquement picturales, sont intéressantes. Les théories des peintres sont toujours éclairantes: au-delà du «sujet», elles permettent d’atteindre le «contenu» de l’œuvre, car elles montrent à quoi le peintre s’attache, ce sur quoi porte son effort de signification, de fabrication de sens.

Il peut être instructif d’étudier Greuze en se souvenant des indications de Klee, d’y chercher la multiplicité des chemins ménagés dans l’œuvre: L’Oiseau mort , La Cruche cassée ont été ainsi «décryptés» dès le XVIIIe siècle. Après tout, un tableau classique «fonctionne» picturalement. De même, il est enrichissant d’analyser le «jaillissement idéel primordial» de Chardin. Il ne faut pas, pour autant, oublier d’ajuster l’interprétation moderne aux conditions historiques, qui soulignent la présence déterminante de l’Ut pictura poesis et qui permettent de retrouver l’impact réel que l’œuvre de Chardin ou de Greuze a pu avoir dans leur société. Car la connaissance des théories qui ont accompagné une œuvre permet de réactiver une sensibilité artistique disparue: que l’on pense seulement à l’expression, au rôle théorique qu’elle a joué et à l’émotion immédiate, aux torrents de larmes qu’elle pouvait susciter jadis.

Certes, l’histoire de l’art ne doit pas limiter ses analyses au domaine volontaire, conscient des œuvres du passé. Mais le décryptage sans arbitraire de leur contenu figuratif implicite ou inconscient n’est possible que si l’historien peut mener, parallèlement, un décryptage satisfaisant des textes théoriques, philosophiques ou artistiques. Ainsi, affirmer, à la seule vue des tableaux, que le colorisme, au début du XVIIIe siècle en France, symbolise la libération d’un carcan théologique, l’idée d’un monde en devenir, le sentiment de l’essence historique de l’homme, reste arbitraire tant que l’historien n’a pas montré que les textes philosophiques et esthétiques contemporains offrent un contenu implicite équivalent: cette tâche accomplie, le colorisme pictural se trouve replacé dans son contexte culturel pour y jouer la fonction précise dévolue à l’imaginaire figuratif. La peinture construit une image du monde où la pensée remplace le concept par une vision «poétique», c’est-à-dire qui donne l’être à son objet imaginaire; de là, par exemple, le sens de l’éphémère, de la fragilité humaine, l’angoisse secrète qui accompagnent le colorisme de Watteau, peintre qui, par son œuvre, affronte et assume l’effritement de l’explication stable de son art et du monde.

Est-ce à dire que les textes théoriques «reflètent» le déroulement de l’histoire de l’art? Ils les éclairent plutôt. Envisagé du point de vue de la problématique interne de la peinture, le luminisme ou le colorisme sont des solutions techniques à des problèmes techniques débattus depuis longtemps. Mais, replacés parmi les théories qui régissent l’imaginaire de leur temps, ils apparaissent, par-delà la technique, comme des choix philosophiques. De même le dynamisme pictural de Klee (la préséance de la «formation» sur la «forme») se rattache à une problématique interne de la peinture: le rapport entre l’esquisse et l’œuvre achevée, analysé très tôt. Il dépasse cependant ce point de vue. Klee l’explique clairement, ce dynamisme est à l’image du monde: «L’art est à l’image de la création. C’est un symbole, tout comme le monde terrestre est un symbole du cosmos.» Son œuvre, «non représentative», reste figurative, imitative même: «De même qu’un enfant dans son jeu nous imite, de même nous imitons dans le jeu de l’art les forces qui ont créé et créent le monde.» Les théories de Klee permettent de décrypter le contenu fondamental de son œuvre; ses écrits mettent un point final à l’alternative classique entre le cosmos comme essence immuable et éternelle et le cosmos comme devenir historique et mouvement permanent. Les concepts que cherchait un «camp philosophique» du XVIIIe siècle, que ne possédaient ni Watteau ni Chardin, sont formulés. Ils le sont, en particulier, par Klee, héritier parmi d’autres des philosophies du XIXe siècle: «La paix sur la terre est un arrêt accidentel du mouvement de la matière [...] Le devenir se tient au-dessus de l’être.» Ces textes théoriques ne laissent pas de doute: après la saisie de l’instant impressionniste, l’art de Klee «rend visible» le mouvement, le dynamisme interne du monde. La peinture a pour fonction de figurer picturalement la vision philosophique que le peintre a du monde: «L’art joue sans s’en douter avec les réalités dernières et néanmoins les atteint effectivement.»

L’aspect politique des théories de certains peintres du début du XXe siècle semble éloigné des problèmes proprement picturaux. Il révèle, en fait, la grave crise que traversait la conscience picturale: quel rôle, quel statut la peinture va-t-elle avoir dans la société, du jour où sa fonction représentative est remise en cause? En rattachant la peinture à la politique, les théories de ces peintres essayaient de trouver une justification nouvelle à un art dont la place devenait problématique. Les rapports entre Gabo, Pevsner, Kandinsky et Malevitch à l’intérieur de la révolution soviétique indiquent bien l’urgence et la difficulté de cette justification nouvelle.

Ainsi, du jeu entre l’œuvre figurative et la théorie dont l’accompagne le peintre jaillit le sens complet de l’activité artistique. Les théories ne sont pas seulement un double des œuvres. Plaçant le tableau dans le champ conceptuel de la culture contemporaine, elles en dégagent le contenu philosophique. Mais, s’attachant toujours à la technique, au «faire», elles enseignent et préservent la signification originale du monde pictural.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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